Si l’intercorporéité nous sollicite aujourd’hui, c’est parce que, au lieu d’envisager, comme on le fait trop souvent, le corps des anatomistes, la res extensa de Descartes, il est question d’observer ce qui se passe (ce qui se trame) entre les corps – de sorte que le corps n’étant plus un objet circonscrit, mais une chose évanescente, une « chair » invisible, une chair spacieuse (B. Noël) qui interfère avec les autres corps, c’est l’organisme holistique des corps qui nous retiendra. C’est une aire, un volume, une sphère d’interactions que nous scruterons, davantage qu’un objet positif, enclos dans les limites de la peau, puisque, dans le contexte de l’intercorporéité, il n’a désormais plus de frontières.
Cette anthropologie invisible des corps, dans leurs interactions lors de nos activités esthétiques, artistiques, éducatives, spirituelles, qui s’enracine dans l’humus imaginaire d’Anthropos, nous met au défi d’inventer une autre méthodologie de la recherche. En effet, c’est dans un polylogue entre les disciplines qui observent ce « champ d’énergie » que naîtront peut-être les prolégomènes d’une science de l’homme, saisi dans ses réseaux d’influence, ses interactions inédites, comme le ferait un chorégraphe - ouvrant ainsi sur une épistémologie post-positiviste, où l’art devient un partenaire épistémologique de premier ordre.
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